( 1388 ) PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. — Sur une question relative à la parole, à l'état normal et anormal. Note de M. Bouillaüd. (c La parole, ou le langage articulé, en tant que faculté intellectuelle spéciale, est une de celles qui n’appartiennent qu’à l’homme, et qui constituent par conséquent ses attributs caractéristiques. Il est néanmoins un certain nombre d’hommes qui naissent privés pour toujours de cet admirable mode de langage ou d’expression. Je veux signaler ici les sourds-muets de naissance, lesquels ne peuvent parler, par cela même que, étant sourds, ils n’entendent nullement les paroles prononcées devant eux. On sait qu’ils n’en possèdent pas moins toutes les autres facultés spéciales de l’intelligence, et quelques-uns d’entre eux, à un degré supérieur. » Eh bien, il est des maladies du cerveau qui, chez les hommes naturellement doués du libre exercice de la parole, portent exclusivement leur atteinte sur cette faculté, et les dérangent plus ou moins profondément. Lorsqu elles en déterminent la perte complète (aphasie), elles métamorphosent pour ainsi dire les malades en une espèce nouvelle de muets (muta). Je dis en une espèce nouvelle, car ceux-là ne sont pas, comme les précédents, privés de la parole, parce qu’ils n’entendent pas, ni parce que la voix leur manque. Us ont, en effet, conservé la voix et l’ouïe. » Quelle est donc, me demandera-t-on, la cause essentielle, la raison réelle de cette nouvelle et curieuse espèce de lésion de la parole? Tel est précisément le problème que je me propose d’examiner dans l’une des prochaines séances de l’Académie, à laquelle il n’a pas, que je sache, encore été soumis. » Si j’ai cru devoir demander aujourd’hui la parole sur ce grave sujet, c’est qu’il existe en ce moment, dans mon Service clinique de l’Hôpital de la Charité, un cas des plus remarquables de l’espèce de lésion du langage articulé, sur laquelle l’Académie voudra bien me permettre d’appeler sa plus sérieuse attention. Je me bornerai, quant à présent, au récit succinct du cas dont il s’agit. » Le nommé Picarda (Jean), âgé de cinquante-sept ans, marié, charretier, demeurant à Maisons-Alfort ( 16, rue des Bretons), fut apporté, le 12 novembre 1872, salle Saint-Jean-de-Dieu, n° 19. Il venait de tomber tout à coup dans la rue, frappé d’une hémiplégie de tout le côté droit, et d’une telle perte de la parole qu’il ne put prononcer aucun mot, pas même son nom, ni dire son âge, sa demeure, son état civil. Quand je le vis le lendemain, il n’avait point repris l’usage de la parole, et ne répondait à au-